Le taureau de Camargue : sauvage mais généreux

Au taureau de Camargue la patrie reconnaissante. Hormis le porc, a-t-on jamais vu animal plus utile à l’homme (méridional) que ce petit bovin à la silhouette gracile et au pelage noir ? Durant la majeure partie de sa vie, il gambade joyeusement, en toute liberté, dans les marécages du delta du Rhône, contribuant ainsi sans le savoir à entretenir ces écosystèmes précieux et fragiles. Adultes, les plus braves d’entre eux procurent leur soûl de frissons aux aficionados des jeux tauromachiques. Et ceux qui n’ont pas suffisamment de cette fibre combattante finissent leur vie glorieuse en steak ou en gardianne. Trois fois utile !

Il est temps de rendre au taureau de Camargue l’hommage qu’il mérite en l’invitant plus régulièrement à notre table.

D’autant qu’il ne demande que ça. Il est la première viande bovine, en France, à avoir obtenu une appellation d’origine contrôlée (AOC). C’était en 1996 (confirmé par l’AOP en 2001). Aujourd’hui, 80 manadiers (éleveurs) produisent des taureaux de Camargue qui disposent de plus de 25 000 hectares, entre Bouches du Rhône, Gard et Hérault (la zone de l’appellation), pour s’ébattre en liberté. Autant dire qu’on est à l’exact opposé de l’élevage intensif.

Ces taureaux sont d’abord élevés pour les courses tauromachiques. Ceux qui ne présentent pas les aptitudes suffisantes pour le sport sont alors valorisés à travers l’appellation Taureau de Camargue. Ce sont environ 1 500 bovins (mâles et femelles) qui sont ainsi destinés chaque année à la boucherie. Un marché de niche, pour une viande unique, d’un rouge intense, très maigre, d’un bon rapport entre omégas 3 et 6, d’une saveur plus prononcée que celle de la viande de bœuf classique. « Mais qui n’a pas le goût de la sauvagine ! », précise-t-on au syndicat de promotion de l’appellation.

La saveur unique de la viande de taureau de Camargue tient aux deux races de l’appellation (raço di Biou et race Brave), au fait que ces animaux sont d’abord des athlètes, qu’ils sont élevés en liberté et en pleine nature, qu’ils ne sont pas engraissés et qu’ils sont abattus après l’âge de 3-4 ans.

C’est essentiellement dans le bassin de production que se consomme le taureau de Camargue. On peut s’en procurer chez de nombreux bouchers de la région, dans les manades en vente directe et dans plusieurs restaurants du Gard et de l’Hérault, parmi lesquels on citera Lou Mas à Nîmes, dont le chef Olivier Douet le met à bien des sauces, ou encore Chez Alexandre, où le chef deux étoiles Michel Kayser l’élève sur les sommets de la gastronomie. Autant le taureau de Camargue peut se montrer revêche dans le sport, autant il se révèle conciliant en cuisine. On peut le savourer de mille façons : en tartare, en carpaccio, en tataki, en filet, pavé ou rôti (toujours saignant !) et, bien sûr, en daube nommée gardianne.