Ail rose, l’or rose de Lautrec

Pour convertir les plus réfractaires à la saveur de l’ail, un seul moyen : l’ail rose de Lautrec. L’unique.

La légende veut que ce soit un marchand ambulant qui, pour payer son passage à l’auberge du village, ait réglé son addition avec des gousses d’ail. Avec un certain bon sens, l’aubergiste aurait planté ces gousses dans son jardin… C’était au Moyen-âge. Le terroir s’est révélé particulièrement favorable puisque, un millénaire plus tard, le département du Tarn est le premier producteur d’ail de France.

Et dans cette production, l’ail rose de Lautrec tient le premier rôle. Avec son teint de jeune fille, la perfection de ses lignes, la douceur de sa bouche légèrement sucrée, la suavité de son parfum, la bienveillance de son accompagnement et sa capacité à traverser les saisons, la star des aulx fait voler en éclats tous les préjugés sur ce condiment. Frais, c’est une véritable gourmandise que les Lautrécois vénèrent dans une joyeuse piété et que les grands chefs cuisiniers célèbrent sans retenue. Il faut entendre Hélène Darroze en parler…

Il faut dire que cette star est bien coachée par des hommes et des femmes qui ne comptent pas leurs efforts. Dès la fin des années cinquante, les producteurs d’ail rose de Lautrec ont compris qu’ils avaient de véritables merveilles plein leurs champs. Ils se sont organisés en syndicat, ont discipliné la production et, finalement, ont décroché le Label Rouge en 1966 (le premier attribué dans la catégorie des fruits et légumes). Trente ans plus tard, en 1996, ce même syndicat obtenait aussi une Indication Géographique Protégée (IGP) pour son ail rose de Lautrec, avec un cahier des charges très strict : cinq variétés lautrécoises sélectionnées, un sol argilo-calcaire, des têtes esthétiquement parfaites, trois semaines de séchage, une traçabilité totale, de la plantation au conditionnement. Avec cette IGP, preuve était définitivement faite de la qualité exceptionnelle de ce condiment.

Presque définitivement. Car, comme le concède Gaël Bardou, actuel président du syndicat, conserver les signes officiels de qualité et assurer la défense et la promotion d’un condiment comme l’ail rose, fût-il parfait, n’est pas une sinécure. C’est une culture qui mobilise énormément de main-d’œuvre (1 000 heures à l’hectare !). Le Label Rouge et l’IGP exigent beaucoup de rigueur. Il faut entretenir sans cesse le lien entre les différents acteurs de la filière. Il faut convaincre les prescripteurs et les consommateurs. Il faut savoir se mobiliser pour les grands événements (les salons ou la fête de l’ail rose de Lautrec, le premier vendredi d’août, où plus de 2000 litres de soupe à l’ail sont servis à des milliers de participants).

Il faut aussi savoir se remettre en question. C’est ce que fait actuellement le syndicat, qui étudie une évolution (ou une annexe) du cahier des charges de l’IGP intégrant les règles de l’agroenvironnement, la protection de la biodiversité, les nouvelles normes sociales…

Malgré ces contraintes, la filière ail rose de Lautrec est solide. Florissante. « Il y a plus de demande que d’offre », se réjouit Gaël Bardou.

L’ail rose de Lautrec se trouve partout : en petits conditionnements dans les grandes et moyennes surfaces, en plateaux de 5 kg sur le marché de gros pour les professionnels, en vrac et en manouilles (grappes) chez les détaillants. La récolte se fait en juillet et l’ail de l’année est disponible trois semaines après, début août. Il est alors juteux, doux et sucré. Il se conservera ensuite plusieurs mois s’il est stocké dans un endroit frais et ventilé. Les cuisiniers avertis peuvent l’utiliser à tous les plats, de l’entrée au dessert. Oui ! Au dessert !

 

ailrosedelautrec.com