Le Quercy a la fièvre de l’or rouge

Il y a quelques jours, à Cajarc (Lot), a eu lieu la 24e édition de la fête du safran, événement qui, chaque année, fin octobre, marque la fin de la récolte du crocus sativus.

Cent fois plus cher que la truffe, dix fois plus cher que le caviar, c’est le safran. Et cet or incandescent pousse dans le Quercy. C’est-à-dire dans le Lot, un peu en Aveyron, un peu dans le Tarn-et-Garonne, un peu en Dordogne, un peu dans le Tarn.

En réalité, la fleur mauve qui donne l’épice rouge pousse un peu partout. On en trouvait autrefois dans les jardins de toutes les régions. Mais le Quercy est aujourd’hui l’un de ses plus gros producteurs en France, avec le Gâtinais, le Limousin, l’Alsace…

S’appuyant sur une histoire locale, des expérimentations réussies et un terroir idéal, les producteurs locaux ont décidé, en 1999, de se constituer en association. Ainsi sont nés les Safraniers du Quercy, qui ont établi leur siège à Cajarc, étonnant village situé entre Figeac et Cahors, rendu célèbre tour à tour par Françoise Sagan (la fille du pays), puis le couple Pompidou et, enfin, Coluche.

Les safraniers du Quercy sont aujourd’hui une cinquantaine, qui cultivent un peu plus d’un hectare de bulbes et produisent bon an mal an 4 à 5 kg de safran, exclusivement sous la forme de stigmates entiers et séchés. Sûrs de la qualité exceptionnelle de leur épice, les producteurs quercynois se sont d’ailleurs engagés, au début des années 2000, dans la longue démarche d’obtention d’une IGP (indication géographique protégée). Le safran du Quercy est cultivé, cueilli, émondé et séché en Quercy.

Il faut une armée de doigts agiles et méticuleux pour recueillir, sur chaque fleur, les trois pistils rouges qui font l’épice. De la cueillette de la fleur au séchage des stigmates, il doit s’écouler moins de 24 heures. Pour un safran encore plus puissant : 12 heures. Quand on sait qu’il faut 250 fleurs pour faire 1 gramme d’épice, on comprend pourquoi ce que l’on surnomme l’or rouge se vend au prix de 30 000 € le kilo !

Fort heureusement, il suffit de 4 à 5 stigmates (environ 0,001g) par assiette pour parfumer et colorer un plat. Le safran est cher, rare, fragile et délicat ; le meilleur moyen d’en profiter est de faire infuser les stigmates 8 à 24 heures, dans de l’eau tiède, du lait, du blanc d’œuf, de la crème (en fonction de la recette) avant d’ajouter cette infusion à sa préparation.

On peut aussi confier son palais et son nez à des gens qui savent faire. Les Safraniers du Quercy réservent la commercialisation de leur précieuse épice à la coopérative Valcadis, qui la propose sous forme stigmates séchés, certes, mais également dans des sirops, des apéritifs, du miel, des chutneys… Et puis il y a les artistes du safran. Pierre-Emmanuel Robin, chef de l’Allée des Vignes à Cajarc (1 étoile Michelin) est de ceux-là. Depuis son installation dans le village de Sagan, il n’a eu de cesse de conduire des expériences autour du safran, pour en obtenir une sorte de quintessence dont il nourrit avec précision la quasi-totalité de sa cuisine, des entrées aux desserts.

Comme une fièvre de l’or rouge.

Savoir plus : www.safran-du-quercy.com

 

Photo : Jérôme Maurel-Tourisme Lot